La traversée du cerro Fitz Roy fait partie des itinéraires d’alpinisme les plus célèbres au monde. Cette ascension est une immersion incroyable au cœur de formations granitiques spectaculaires. Situé sur le versant argentin de la Patagonie à El Chaltén, le cerro Fitz Roy est considéré comme l’une des plus belles montagnes de la planète. Cet itinéraire très exigeant nécessite une solide expérience en alpinisme, aussi bien en rocher que sur glace, et est souvent réalisé en skis ou en raquettes. C’était le cas jusqu’à présent en tout cas. Pour la première fois, cet itinéraire si populaire auprès des alpinistes a été parcouru en parapente. Le 19 janvier 2022, Manu Canale et son Artik 5 ont survolé les célèbres glaciers argentins, le vol d’une vie.
Comment cela a-t-il commencé ? « Je me suis réveillé à 5h du matin le 15 janvier, j’ai regardé les prévisions météo et j’ai écrit à mes compagnons de vol : en route pour El Chaltén ! Ce sera un long périple mais cela en vaut vraiment la peine » explique Manu Canale. C’est ainsi que tout a commencé. Nous avons pris son véhicule et quelques minutes plus tard Mauro Dante ainsi que les pilotes Niviuk, Sebastián Quiroga et Lucas Dahir entre autres, se joignaient à nous pour cette expédition.
Le jour suivant, ils étaient à El Chaltén où ils ont pu voler en compagnie de pilotes locaux à Barda de los Condores. Le lundi ils atteignaient le sommet du Cerro Loma del Diablo d’où ils ont pu décoller et profiter d’un vol merveilleux. Le mardi était un jour de repos au cours duquel ils ont pu survoler El Rosado dans de « merveilleuses lumières de fin de journée ».
Le mercredi 19 janvier, les conditions météo étaient favorables. L’équipe était pleine d’espoir. Ils se sont mis en route très tôt pour le Cerro Loma del Diablo, ont grimpé jusqu’à 1750 mètres d’altitude pour décoller. « Les conditions étaient idéales et mon Artik 5 avait envie de voler » se souvient Manu. Ils ont ensuite survolé le Rio Electrico, Electrico West ainsi que le Cerro 30 Aniversario. C’est alors que Manu et Lucas sous son Ikuma 2 P ont trouvé un excellent thermique qui les a propulsés au niveau du Lomo Blanco en direction de Marconi Pass. Deux grimpeurs au sommet les ont accueillis avec des cris de joie. Manu a alors ressenti une profonde paix et la tranquillité absolue en prenant la mesure de la distance parcourue par les deux grimpeurs. Il leur a alors crié depuis les airs « salut à vous amis voyageurs ! ».
Il avait en tête de rejoindre directement la Laguna Torre puis de poursuivre vers le Cerro Solo, mais les conditions ont alors changé : le plafond s’est abaissé et le col s’est retrouvé dans les nuages. Les deux pilotes sont alors revenus au pied de l’Aguja Guillaumet. Manu s’est avancé vers le col de l’Hombre Sentado au pied du cerro Fitz Roy juste pour voir, puis il a décidé de tenter sa chance. « J’ai senti qu’il y avait un thermique juste au-dessus de la Supercaneleta mais j’ai préféré ne pas enrouler et je me suis avancé sans hésiter. Si j’avais tenté de l’enrouler et que cela n’avait pas marché, j’aurais été obligé de rebrousser chemin. J’ai continué d’avancer sans trop savoir jusqu’où ma voile me permettrait d’aller. C’est à ce moment qu’un condor a surgi devant moi, je l’ai suivi jusqu’à le perdre de vue au loin », raconte Manu.
« Après avoir dépassé la lagune, je me suis détendu et j’ai réussi à voir que mes compagnons étaient en train d’enrouler un énorme thermique devant la Loma de las Pizarras. Nous avons contourné la montagne en prenant de l’altitude en direction du Polo. Ce n’était pas évident car il s’agit d’une zone de grosse confluence. J’ai ensuite progressé le long du Cordon del Bosque où une rue de nuage s’était formée et je me suis mis à monter, monter, monter… Une fois perché j’ai décidé de revenir vers El Chaltén. J’étais seul et il était temps de faire redescendre le niveau de stress après ce que je venais de vivre », c’est ainsi que Manu décrit cette grande première historique. « Je me suis soudain senti ivre de joie, j’en ai eu la chair de poule et je me suis mis à pleurer sous le coup de l’émotion. J’ai également ressenti beaucoup de respect et d’admiration pour avoir la chance de vivre de telles expériences, qui pour moi constituent l’essence même de la vie ».
Sebastián Quiroga, sous sa Hook 5 P explique : « Les pilotes qui ont décollé ensemble avaient le même plan de vol, mais Lucas et Manu étaient davantage déterminés lorsqu’ils se sont engagés au-dessus du glacier pour la première fois. Manu, qui était le pilote le plus expérimenté de tous, a été le seul à oser tenter de faire le tour du Fitz Roy en passant par les glaciers. Il est ainsi devenu le premier homme et le seul à ce jour à avoir réalisé cela, signant ainsi le vol le plus long et le plus emblématique de l’expédition ».
« Merci à toi Chaltén de nous avoir laissé survoler tes sommets magiques », s’est exclamé un Manu Canale emplit d’émotions juste après avoir atterri, alors que les compagnons de vol tombaient dans les bras les uns des autres. « Merci aux grimpeurs qui ont fait l’histoire, merci de m’avoir offert cette opportunité et de m’avoir laissé fréquenté ces lieux magiques, d’avoir pu admirer ces milliers de fissures qui ont vu défiler tant de légendes de l’alpinisme et de l’escalade, comme illustré dans le livre The Mountains of My Life (2010) de Walter Bonatti », déclare-t-il. « Avoir eu la chance de pouvoir voler ici, avoir admiré ces éblouissantes faces de diamants, ressentir cette incroyable sensation de connexion tout en étant déconnecté du monde est tout simplement sublime ». Presque sans le vouloir, Manu et son Artik 5 ont ouvert la voie à d’autres pilotes qui s’engageront bientôt sur ce même cheminement aérien.
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